S’il est désormais évident que le poignet est l’emplacement idoine pour porter une montre, il n’en a pas toujours été ainsi, loin sans faut ! On oublierait même que cette dernière a passé plus de temps au fond d’une poche qu’à l’extrémité du bras. L’histoire de la montre bracelet nous rappelle que tout est une question de timing. "Si c’est trop tôt, personne ne comprend" disait Anna Wintour, rédactrice en chef du magazine Vogue…

L’histoire de la montre bracelet

Histoire montre Cartier avec bracelet

Au regard de l’engouement que suscite aujourd’hui la montre bracelet, il n’est pas surprenant que sa paternité suscite autant d’émois. Si l’on s’accorde sur le fait qu’elle s’est largement répandue lors du premier conflit mondial, l’histoire de la montre bracelet nous ramène tout d’abord à Paris au tout début du siècle dernier, en compagnie du jeune milliardaire Alberto Santos-Dumont. Célèbre pour ses exploits aéronautiques, l’aventurier brésilien confie à son ami Louis Cartier les difficultés qu’il rencontre pour lire l’heure en plein vol sur sa montre de poche. Aidé d’Edmond Jaeger, le joaillier ne lui propose rien de moins qu’une montre bracelet, où pour la première fois, les anses qui permettent la fixation du bracelet sont directement intégrées à la carrure de la montre. Nous sommes en 1904, et le design de la montre bracelet venait de franchir un cap décisif. Compte tenu de la célébrité dont jouissait Alberto Santos-Dumont à cette époque, notamment auprès du Tout-Paris, il suffit qu’en 1906 la foule le vit s’extraire de son aéroplane en regardant son poignet pour voir s’il venait de battre un nouveau record pour que la montre bracelet devint aussitôt un accessoire de mode. Toutefois, il ne s’agit là que l’un des derniers développement de l’histoire de la montre bracelet.

On pourrait en effet citer la commande faite par l’empereur Guillaume 1er à la manufacture Girard-Perregaux en 1879 d’une série de 2 000 montres qui « pouvaient être portées au poignet grâce à un bracelet », afin que ses officiers de la marine n’aient pas à fouiller frénétiquement dans leurs poches s’ils voulaient savoir l’heure. 

Toutefois, on aurait tort de ne considérer l’histoire de la montre bracelet que sous le prisme de la gent masculine : elle doit en effet tout autant aux femmes. Pendant longtemps, l’antériorité dans la naissance de la montre bracelet était revendiquée par la maison Patek-Philippe, qui évoquait la commande de la comtesse hongroise Koscowicz en 1868. 

Histoire montre bracelet Breguet

Mais l’histoire retiendra que l’on doit la première montre bracelet de la volonté de Caroline Murat, plus jeune sœur de Napoléon Bonaparte, et du talent d’Abraham-Louis Breguet. Le 8 juin 1810, elle passe commande d’une "montre pour bracelet à répétition" qui sera achevée près de deux ans et demi plus tard, le 12 décembre 1812. Il est question d’une montre oblongue avec cadran argenté guilloché, logée dans un boîtier en or lui-aussi guilloché, sonnant les quarts, abritant également un thermomètre et dotée d’un "bracelet tressé relativement simple et tissé avec du fil d’or". Cette montre, aujourd’hui disparue, est restée dans les mémoires sous le nom de "Reine de Naples". Longtemps considérées par les hommes comme des fantaisies, les montres bracelets mirent donc près d’un siècle pour passer définitivement des poignets des dames à ceux des hommes.

Blaise Pascal, inventeur ou influenceur ?

Mais l’histoire ne débute pas là. Il y eut avant cette fameuse commande des précurseurs qui, pour diverses raisons, trouvèrent commode d’avoir l’heure au poignet. Ainsi, une gravure représentant l’aristocrate écossais William Douglas, alors comte de March, tentant en 1750 de remporter le pari de couvrir la distance de 19 miles dans un carrosse à 4 roues en moins d’une heure, indique qu’il portait pour l’occasion une montre transformée au poignet. Ces "montres transformées" sont en fait de simples montres de poche dotées de bracelets montres en cuir permettant de les fixer sur le bras. L’Almanach du Dauphin de 1772 atteste notamment de leur commerce dans une entreprise horlogère du 6ème arrondissement de Paris. 

Blaise Pascal

Il faudra toutefois remonter entre 1623 et 1662 pour trouver la trace de la première utilisation d’une montre portée au poignet. Et c’est à Blaise Pascal que nous devons cette grande première. Il faut le reconnaître, le natif de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) est plus connu pour l’invention de la première machine à calculer, pour ses travaux sur les mathématiques des probabilités, pour ses apports au monde de la physique via ses travaux sur les principes de vide et de pression, et pour ses réflexions philosophiques. Il n’empêche, plusieurs témoignages attestent que Blaise Pascal avait pour habitude d’attacher sa montre de poche avec un bout de ficelle à son poignet gauche afin de lire l’heure plus facilement. De là à dire qu’on lui doit également l’invention de la montre bracelet serait aller un peu vite en besogne !

Cependant, une rumeur raconte que la première montre-bracelet de l’histoire aurait appartenu à Elizabeth I d’Angleterre. Elle lui aurait été offerte par son favori, Robert Dudley, comte de Leicester en 1571… Peut-être que demain, on exhumera un document qui fera reculer la date de la première apparition d’une montre sur un poignet, mais pour l’heure, sachant que l’on ne sait absolument rien ni de l’apparence ni du fabricant de cette prétendue montre, Blaise Pascal reste celui qui le premier a posé le jalon initial de cette incroyable aventure.

Les montres à gousset, ces vénérables ancêtres

Les montres à gousset tiennent leur nom de la poche du pantalon ou du gilet pour homme dans lesquels elles étaient placées, tant pour les protéger que pour les avoir à portée de main. C’est Charles II d’Angleterre qui en avait lancé la mode dès 1675 en introduisant le long gilet garni d’une poche permettant d’y loger une montre. Et force est de constater que le port du gilet était toujours en vogue jusqu’à la fin du XIXème siècle, assurant ainsi la popularité de ces montres. La bascule n’ayant réellement eu lieu qu’à la fin de la Première Guerre Mondiale, les montres à gousset ont donc passées près de 250 ans au fond des poches. Et si celles-ci renvoient désormais une image désuète, par opposition au dynamisme véhiculé par les montres-bracelets, il ne faudrait pas pour autant les dénigrer trop vite.

Montre à gousset histoire

En effet, la montre la plus compliquée du monde est bien une montre de poche : il s’agit du calibre 89 de Patek Philippe, dévoilé en 1989 et qui n’abrite pas moins de 33 complications. Constitué de 1 728 composants, cet incroyable garde-temps est notamment doté d’un échappement à tourbillon, de calendriers sophistiqués et d’indications astronomiques diverses, auxquels s’ajoute un calendrier unique affichant la date mobile de Pâques. 

Par ailleurs, il faut se rappeler qu’il était fréquent pour les aviateurs de la Première Guerre Mondiale de faire souder des anses sur des montres à gousset de petite taille afin de pouvoir les porter au poignet, à l’instar de l’Omega de Sir Thomas Edward Lawrence, plus connu sous le nom de Lawrence d’Arabie. 

Enfin, il ne faudrait pas non plus oublier que le poignet de John Glenn, premier américain à effectuer un vol en orbite en février 1962, était équipé d’un chronographe de poche Heuer, fixé à son poignet par un bracelet en tissu… Mais ce sont là d’autres histoires.

Montres bijoux, parce que le temps est précieux

Choisir une montre bijou

En tout état de cause, qu’il soit conservé dans une poche ou porté au poignet, c’est bien parce que le temps est précieux que la montre qui le mesure est traitée comme un bijou. En effet, de tous temps, les montres se sont vues parées des plus beaux matériaux, des plus beaux ornements et des plus belles décorations. Parfois synonymes d’opulence, ces montres bijoux n’en sont pas moins soumises aux modes. Ainsi, la chaîne qui reliait la montre de poche au gilet s’est vue ornée de colifichets et autres breloques. Malgré son origine utilitaire et fonctionnelle, la montre bracelet s’est peu à peu anoblie et a finalement atteint se statut de montre bijoux. En témoigne notamment le choix des cuirs utilisés pour confectionner un bracelet montre interchangeable en cuir. Et si la finesse du cuir de veau traduisait déjà un certaine penchant pour le raffinement, que dire de l’utilisation du cuir de crocodile. Considéré comme le roi des cuirs exotiques de par son toucher exquis, il est sans aucun doute l’un des plus précieux. De fait, son travail est d’autant plus délicat… Ainsi, forte d’un savoir-faire patiemment constitué depuis 1942, Maison Fèvre propose ce qui est sans doute le point d’orgue de sa gamme exotique avec le bracelet montre homme crocodile ou le bracelet de montre en crocodile véritable pour femme. Les peaux sont choisies avec soin, notamment en fonction de leur homogénéité, en écho avec l’écoulement régulier du temps, permettant ainsi de convertir n’importe quel garde-temps en montre bijoux… parce que le temps est précieux.

Cyril LEROY
Rédacteur horlogerie Maison Fèvre
Amateur éclairé & collectionneur passionné

24 avril, 2023 — Groupe FLEURUS